LES CICATRICES D’UN PUTSCH

Abidin, le mari de la réalisatrice, était un révolutionnaire dans les années 1970. Il a fui la Turquie pour Vienne après le putsch. Certains de ses camarades ont comme lui réussit à partir et à reconstruire leur vie en exil, mais la majorité ont été arrêtés, torturés et passèrent des années en prison.

Arrivé en Autriche en janvier 1981, Abidin décide de tourner le dos à la politique. Néanmoins, il suit quotidiennement ce qui se passe en Turquie. Il est consterné par l’aveuglement des puissances occidentales qui veulent croire à l’évolution positive de la Turquie comme rempart contre l’URSS et vont jusqu’à soutenir les confréries islamiques. En revanche, ils n’ont pas condamné le coup d’État, ses violations des droits de l’Homme et la constitution liberticide élaborée par les généraux. Les objectifs économiques et géostratégiques étaient plus importants. Aujourd’hui, ces mêmes puissances s’étonnent que la Turquie se détourne des idées démocratiques au profit de l’islam politique.

Ce film raconte l’histoire du putsch militaire de 1980 et la transformation de la société turque sous la forme d’une quête personnelle qui commence par les cicatrices sur le corps d’Abidin : les cicatrices de six balles tirées à bout portant par une milice fasciste des Loups gris. Les blessures de son corps ont guéri, mais elles le hantent encore aujourd’hui. Pour comprendre ce qu’elles cachent, la réalisatrice (une Belge) recherche les traces de la Turquie de « son mari », celle dans laquelle il a grandi, celle pour laquelle il s’est battu, celle qui s’écroule sous ses yeux. Elle veut savoir comment le putsch a « fonctionné », comment l’islam politique est arrivé au pouvoir dans son pays. Car ces blessures ne sont pas seulement les siennes, elles sont celles de tout un pays.

Cette quête fait des allers-retours entre Vienne et Ankara. Sur son chemin, la réalisatrice rencontre la famille de son mari et d’anciens amis de lutte, des femmes et des hommes qui se sont battus pour la justice sociale et la démocratie. Elle la conduit aussi dans des communautés, des lieux et des paysages, symboliquement chargés et marqués par la transformation du pays, ainsi que dans les archives.

Peu à peu, cette page largement méconnue de l’histoire turque émerge sous la forme d’un voyage dans l’univers de l’homme avec lequel la réalisatrice vit depuis15 ans, mais dont elle connaissait peu le passé.